17 Août (Thomson Reuters Foundation) — Avec le retour au pouvoir des talibans, il y a une réelle crainte que les femmes afghanes perdent beaucoup des libertés qu’elles avaient acquises depuis 2001.
Voici six façons dont la vie des femmes s'est améliorée depuis la chute du dernier gouvernement taliban, des avancées qui sont aujourd'hui menacées.
1. Éducation
Lorsque les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001, les filles âgées de plus de huit ans avaient l’interdiction de recevoir une éducation.
Le nombre de filles inscrites à l'école primaire est passé de moins de 10 % en 2003 à 33 % en 2017, selon la Banque mondiale, et les inscriptions à l'école secondaire sont passées de 6 % en 2003 à 39 % en 2017. L’université de Kaboul a lancé un Master en études de genre et de la condition féminine en 2015.
2. Emploi
Le nombre de femmes afghanes qui travaillent est passé de 15 % en 2001 à 22 % en 2019 selon la Banque mondiale, avec des femmes chef d’entreprise présentes dans tous les secteurs de la mode aux cosmétiques, en passant par la comptabilité et l’ingénierie électrique.
Les femmes étaient de plus en plus visibles dans toutes les industries, y compris le journalisme, la santé et les forces de l’ordre.
Depuis la prise de Kaboul par les talibans ce dimanche, les travailleurs ont détruit les images de femmes que l’on pouvait voir dans les devantures de magasins et autres salons. Sous le régime taliban, les femmes avaient interdiction de travailler et des milliers ont perdu leur emploi.
Le porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid, a déclaré que sous le nouveau régime, les femmes auront l’autorisation de travailler « dans le respect des principes de l’Islam ».
Quand, en juillet, les talibans ont pris le contrôle de la ville de Kandahar, dans le sud du pays, les soldats ont ordonné à neuf femmes travaillant à la banque Azizi de quitter les lieux, leur annonçant que des hommes de leur famille pouvaient les remplacer, ont relaté trois de ces femmes.
3. Tenue vestimentaire
Sous le premier régime taliban, les femmes avaient pour obligation de porter une burqa, un long voile intégral couvrant le visage et le corps, avec un voile léger ou une grille permettant aux femmes de voir, et d’être accompagnées par un homme de leur famille pour sortir de chez elles.
La burqa était portée avant l’arrivée des talibans, mais elle n’était pas obligatoire.
Maintenant que le groupe est à nouveau au pouvoir et qu’il tente d’afficher une position plus modérée, il a été déclaré que les femmes porteront le hijab. Le hijab couvre généralement la tête et les cheveux, mais pas le visage.
4. Droits juridiques
En 2009, le gouvernement afghan a adopté une loi sur l'élimination des violences à l’égard des femmes, qui interdit 22 formes de maltraitances, dont le viol, les agressions physiques et les mariages forcés. La loi met, par ailleurs, en place des tribunaux spéciaux avec des juges femmes.
Son application est, toutefois, irrégulière, abandonnant très fréquemment les femmes et les filles afghanes à leur propre sort. L’ambassadeur des Nations unies Géraldine Byrne Naso a averti cette semaine, de l’existence de « nombreux et plausibles acomptes d’exécutions sommaires, de mariages forcés et de violences basées sur le sexe et le genre. »
5. Droits reproductifs
Dans la première décennie suivant la chute du régime taliban, l’utilisation des méthodes de contraception modernes a doublé, atteignant un taux de 22 % des couples et contribuant ainsi à la réduction du nombre de décès aux suites de l’accouchement, selon Le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).
L’utilisation de la contraception reste limitée puisque beaucoup de personnes préfèrent les familles nombreuses. En outre, les femmes ont des difficultés à accéder aux soins essentiels, générant ainsi l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés de la planète.
Comme plus de 75 % du budget de l’Afghanistan a été financé par les donateurs internationaux, selon le défenseur des droits de l’homme, la question du futur des services de santé est aujourd’hui incertaine.
6. Pouvoir politique
Depuis 2001, les femmes ont joué un rôle majeur en politique, comme en témoigne la chirurgienne Suhaila Siddiq qui etait ministre de la santé en 2001. Habiba Sarabi est, par ailleurs, devenue la première femme governeure en 2005 et Zarifa Ghafari la première mairesse en 2018.
En 2018, un nombre record de 417 femmes candidates ont disputé des sièges politiques à travers le pays, avec de nombreuses attaques suicide mortelles lors de rassemblements politiques qui avaient pour but de dissuader les votants.
Avant la prise de pouvoir par les talibans ce dimanche, les femmes détenaient 27 % des sièges dans la chambre des députés, en raison d’un quota, dépassant la moyenne mondiale de 25 %, selon l’Union interparlementaire.
Enamullah Samangani, membre de la commission culturelle des taliban, a exhorté mardi les femmes à rejoindre le nouveau gouvernement.
« Tous les bords et factions doivent nous rejoindre, » a-t-il déclaré lors d’un entretien télévisé.