Statistique Canada et l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) se sont conjointement engagés à rassembler des données sur les groupes ethnoculturels et autochtones lors de la collecte d’informations relatives aux victimes de crimes et aux accusés.
Dans un communiqué de presse paru le mercredi 15 juillet, l’agence fédérale reconnaît à quel point ces statistiques sont essentielles afin de mieux saisir les enjeux auxquels les minorités ethnoculturelles sont confrontées au Canada.
« Le besoin en données de qualité sur les expériences des peuples autochtones et des collectivités ethnoculturelles avec le système de justice pénale du Canada est primordial pour comprendre la mesure dans laquelle les membres de ces collectivités sont représentés au sein de ce système, et ce, en commençant par leurs interactions avec la police », a ainsi affirmé Stu Betts, coprésident du Comité des informations et statistiques policières de l'ACCP.
Cette décision intervient dans un contexte de préoccupations grandissantes au sujet du racisme systémique et des violences policières — notamment suite aux récentes manifestations du mouvement Black Lives Matter qui ont résonné partout à travers le monde, y compris au Canada.
Mais le problème n’est pas nouveau : les populations autochtones — notamment les femmes et les jeunes — sont surreprésentées au sein du système de justice pénale canadien. En 2017, le taux d’accusations d’homicide chez les Autochtones était d’ailleurs 12 fois supérieur à celui observé chez les non-Autochtones, selon une récente étude de Statistique Canada.
Mais le Ministère de la Justice affirme que les sources de données à ce sujet restent rares ou lacunaires.
Jusqu’ici, l'Ontario était d’ailleurs la seule province du pays à exiger que des données raciales soient collectées en cas de recours à la force sur une personne donnée.
Le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau et la ministre de la Santé de l’Ontario s’étaient prononcés en faveur d’une telle mesure dans le domaine sanitaire, afin de mieux protéger les minorités ethniques et culturelles, qui sont disproportionnellement affectées par la pandémie de COVID-19.
À l’inverse, dans certains pays comme la France, ces pratiques de recensement ethnique sont largement contestées au profit d’une approche dite « colour blind » (aveugle à la couleur).
Mais d’après plusieurs organisations canadiennes de défense des droits humains, ce refus de voir la couleur est problématique car il est difficile de cerner les discriminations raciales et d’y trouver des solutions adaptées sans statistiques fiables.
« Les approches sanitaires aveugles à la couleur ne font qu'aggraver les problèmes de santé des personnes noires, autochtones et racisées parce que nous ne pouvons pas remédier à ce que nous ne voyons pas », a notamment déclaré à CBC le commissaire aux Droits de l'Homme de la Colombie-Britannique, Kasari Govender.
Dans son communiqué, Statistique Canada affirme que la collecte des données criminelles passera par une collaboration étroite avec les communautés locales et les partenaires afin d’en assurer la qualité et la fiabilité.
M. Betts affirme que cette coopération sera cruciale pour mieux comprendre la nature des interactions des populations autochtones et racisées avec les forces de police canadiennes, ainsi que leur représentation au sein du système de justice pénale.
Les discussions à ce sujet se poursuivront au cours de l’année 2020, selon Statistique Canada.