Le vaccin contre la COVID-19 est maintenant disponible depuis une année complète, et s’il nous a permis de progresser dans notre lutte pour mettre un terme à la pandémie - avec un peu plus de 46 % de la population mondiale entièrement vaccinée - il reste un grand nombre de personnes, principalement dans les pays à revenu moyen et faible, qui continuer de lutter pour avoir accès à ses doses.

Nous avons fait plusieurs avancées dans cette bataille contre la pandémie en 2021. Notre compréhension du virus et notre capacité à détecter les variants se sont améliorées, et le fait même que nous disposions de vaccins comme arme efficace contre la COVID-19 signifie que nous avons une chance de lutter contre la pandémie. En outre, le fait que plus de 8 milliards de doses de vaccin aient été administrées dans le monde au cours de l’année constitue une étape importante.

Si nous pouvons saluer ses avancées dans la lutte pour mettre un terme à la pandémie, l’inégalité et le nationalisme vaccinal restent les plus grands défis auxquels le monde est confronté dans cette guerre sanitaire. Ce qui est regrettable, c’est que cette situation avait été annoncée il y a près d’un an, les experts de la santé avaient dès lors expliqué que la thésaurisation des vaccins ne pouvait que prolonger la pandémie, les autorités de santé publique et les dirigeants mondiaux appelant à une distribution équitable des vaccins contre la COVID-19.

» Laisser la majorité de la population mondiale sans protection vaccinale ne fera pas que perpétuer des maladies, des décès inutiles, et des confinements répétés, mais cela engendrera également de nouvelles mutations du virus, la COVID-19 continuera à se propager parmi les populations non protégées » a déclaré en février le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Cependant, malgré ces avertissements, les dirigeants mondiaux n’ont pas pris suffisamment de mesures au cours de l’année pour combler le fossé des inégalités en matière de vaccins.

Le nationalisme vaccinal, par lequel les pays riches ont accumulé plus de vaccins qu’il n’en fallait pour vacciner leurs populations, tandis que les pays à revenu moyen ou faible se battaient pour obtenir des doses, est toujours d’actualité, 12 mois après l’autorisation de mise sur le marché du premier vaccin contre la COVID-19.

Entre-temps, les prédictions du Dr Tedros et d’autres sont devenues réalité, puisque le monde a connu les mutations des variantes Beta, Delta et maintenant Omicron. Tant qu’il y aura des inégalités dans l’accès aux vaccins, il est fort probable que nous continuerons à voir apparaître d’autres variantes de mutations.

Le nationalisme en matière de vaccins a privé les citoyens des pays à faible revenu d’un accès essentiel à des soins de santé vitaux et doit être combattu pour que nous ayons une réelle chance de mettre fin à la pandémie une fois pour toutes.

Voici un aperçu des principaux enjeux en matière d’équité vaccinale qui doivent être résolus pour que nous puissions lutter efficacement contre la pandémie cette année.

  1. Partage des doses

Cela reste le moyen le plus simple pour permettre aux personnes dans le besoin d’accéder aux vaccins. Alors que des pays riches comme le Royaume-Uni et le Canada ont vacciné respectivement plus de 81 % et 60 % de leur population, le continent africain, qui compte 1,3 milliard d’habitants, est loin derrière, avec seulement 6 % de sa population vaccinée.

Les pays riches, à savoir les pays du G7 et les États membres de l’UE, se sont engagés à partager leurs doses excédentaires de vaccin contre la COVID-19 avec les pays à revenu faible ou intermédiaire dans le besoin. Certains ont tenu leurs promesses, comme la France qui, en avril, a été le premier pays riche à faire don de ses doses excédentaires à l’initiative COVAX, et les États-Unis qui ont donné un peu plus de 260 millions de doses aux populations les plus démunies. Cependant, aucun pays n’a entièrement rempli ses engagements pour cette année et plusieurs sont très en retard sur leurs promesses de dons.

Si les rappels sont actuellement encouragés pour lutter contre la variante Omicron, une grande partie du monde n’a pas encore reçu sa première dose. Les pays riches ont obtenu suffisamment de doses de vaccins pour administrer des rappels à leurs propres populations, tout en continuant à veiller à ce que davantage de vaccins parviennent également aux pays à revenu faible et intermédiaire, et ils doivent en faire une priorité.

  1. Planification des dons de doses

La première étape vers l’équité implique que les pays acceptent de partager leurs doses excédentaires en priorité. La deuxième étape consiste à s’assurer que les vaccins sont bien reçus. Cette année, l’Afrique a été confrontée à des dons de vaccins de dernière minute et à des dons de doses arrivant bientôt à expiration, ce qui a entraîné des complications dans le déploiement des vaccins sur le continent et la destruction de millions de doses pourtant indispensables.

Au cours de l’année, nous avons vu des pays et des organismes privés faire d’énormes promesses de distribution de doses excédentaires ou d’achat de vaccins pour les pays dans le besoin, mais très peu d’entre eux avaient des plans concrets pour accompagner leurs annonces. Par exemple, alors que le Royaume-Uni s’est engagé à distribuer 100 millions de doses de vaccin aux pays dans le besoin en juin 2021, le pays a vaguement mentionné la fin du mois de septembre comme date pour la remise des doses, sans préciser quels pays en bénéficieraient.

L’Union africaine, l’OMS, l’African Vaccine Acquisition Trust et Africa CDC ont publié une déclaration commune fin novembre, soulignant que ce manque de planification a causé des problèmes sur le continent.

« La majorité des dons à ce jour ont été ponctuels, fournis avec un préavis limité et une courte durée de conservation », peut-on lire dans le communiqué. « Cela a rendu extrêmement difficile pour les pays la planification des campagnes de vaccination ».

« Les pays ont besoin d’un approvisionnement à la fois fiable et planifiable », ont-ils ajouté. « Le fait de devoir planifier à court terme et veiller à ce que les doses ayant une courte durée de conservation soient bien utilisées amplifie de manière exponentielle la charge logistique qui pèse sur les systèmes de santé déjà mis à rude épreuve. »

La déclaration indique également la marche à suivre pour ceux qui souhaitent faire des dons au continent : les pays bénéficiaires doivent être informés des dons de doses au moins quatre semaines avant leur arrivée dans le pays, et les vaccins doivent avoir une durée de conservation d’au moins dix semaines à compter de leur arrivée dans le pays bénéficiaire.

  1. Allocation de DTS et utilisation adéquate des DTS

Une étape historique a été franchie quand le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé la plus grande allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) de son histoire en 2021 (une source de financement qui peut être échangée entre les pays). L’allocation de DTS d’une valeur de 650 milliards de dollars a été annoncée en août et a été décrite par la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, comme un » une véritable injection dans le bras de l’économie mondiale ».

« Les pays peuvent utiliser l’espace ainsi créé pour soutenir leur économie et intensifier leur lutte contre la crise. », a déclaré Kristalina Georgieva.

L’allocation de DTS est une excellente opportunité pour remettre le monde sur les rails. Cependant, la manière dont cet actif de réserve est actuellement distribué ne profite pas aux pays les plus vulnérables. La structure des allocations de DTS est injuste, car les pays membres les plus riches, qui ont une plus grande part des quotas au FMI et qui n’ont probablement pas besoin de la majeure partie de leur allocation de DTS, recevront des parts plus importantes de DTS.

Les pays les plus pauvres ont le plus besoin de DTS, non seulement pour maintenir leur économie à flot, mais aussi, et surtout, pour acheter les vaccins, tests et traitements liés à la pandémie de COVID-19 dont leur population a tant besoin. Or, ces pays sont ceux qui ont le moins de DTS à leur disposition.

Afin d’équilibrer la situation, les pays les plus riches - à savoir les pays membres du G20 - devront partager leur allocation de DTS avec les pays vulnérables qui ne disposent pas des fonds nationaux nécessaires pour lutter seuls contre la pandémie. Certains pays membres ont engagé une partie de leurs DTS en faveur des nations dans le besoin, mais ces parts ne seront pas encore suffisantes pour aider et soutenir les pays pauvres. Vous pouvez en savoir plus sur la façon dont les DTS peuvent être utilisés pour une reprise mondiale ici.

Une fois les DTS alloués, il faut que les pays bénéficiaires rendent des comptes.

Selon une enquête du Budget international, les fonds destinés à la COVID-19 dans certains pays d’Asie et d’Afrique n’ont pas été gérés de manière appropriée, certains fonds allant à des dettes antérieures à la pandémie de COVID-19 et d’autres n’étant pas du tout répertoriés.

La transparence sera essentielle pour garantir que les DTS sont utilisés pour protéger les personnes les plus vulnérables face à la pandémie, et c’est pourquoi Global Citizen demande non seulement aux nations du G20 de partager leurs allocations de DTS, mais aussi aux nations africaines d’engager leurs DTS afin d’acheter des vaccins.

  1. Donner la priorité aux personnes plutôt qu’aux profits et renoncer aux brevets

On peut dire beaucoup de choses (et on l’a déjà fait) sur le rôle que les pays riches doivent jouer pour garantir l’équité vaccinale, mais il existe un autre secteur qui doit également prendre ses responsabilités : l’industrie pharmaceutique responsable de la production des vaccins.

Les entreprises pharmaceutiques jouent un rôle déterminant dans le fait que tout le monde, partout, ait accès aux doses. Elles peuvent mettre en place deux choses pour garantir l’équité vaccinale : continuer à travailler directement avec l’initiative COVAX pour fournir des doses aux nations vulnérables et, surtout, partager leurs brevets et soutenir les transferts de technologie afin que des sites de fabrication puissent être mis en place dans les pays en développement.

Les dons, aussi importants soient-ils, ne suffisent pas à mettre fin à la pénurie de vaccins dans les pays à revenu moyen et faible, et s’accompagnent également de leur lot de complications, comme souligné ci-dessus. Ces pays ont besoin d’un accès direct aux vaccins et de l’indépendance nécessaire pour fournir à leurs populations les médicaments qui sauvent des vies, plutôt que d’attendre la charité de ceux qui en ont les moyens.

Alors qu’un appel mondial a été lancé - sous l’impulsion de l’Afrique du Sud et de l’Inde - pour que les grandes entreprises pharmaceutiques renoncent à leurs brevets sur les vaccins, ces dernières ont refusé catégoriquement de renoncer à la propriété intellectuelle qui leur rapporte des milliards de dollars. Et ce, malgré le fait que l’approvisionnement en vaccins augmenterait de manière exponentielle pour les pays qui en ont le plus besoin, non seulement pour cette crise sanitaire, mais aussi pour d’autres.

Pour parvenir à l’équité vaccinale, les pays en développement doivent être soutenus dans leurs efforts pour fabriquer des vaccins sur leur sol. Cela commence par le soutien des pays riches à la dérogation ADPIC, et par le partage par les entreprises pharmaceutiques des connaissances et des technologies nécessaires à la production de doses par ces pays. Vous pouvez en savoir plus sur la dérogation ADPIC et sur ce que les entreprises pharmaceutiques doivent faire pour soutenir l’équité vaccinale ici.

Advocacy

Vaincre la pauvreté

Les enjeux en matière d'équité vaccinale que nous devons relever en 2022

Par Khanyi Mlaba