Nooruddin, un père de famille afghan, a dû vendre un de ses reins sur le marché noir pour nourrir son foyer. Il raconte : « Je devais le faire, pour le bien de mes enfants. Je n’avais pas d’autre choix ».
Cette pratique s’est tellement popularisée ces derniers temps dans la ville d’Hérat, dans l’ouest de l’Afghanistan, qu’un village voisin est tristement surnommé « le village à un seul rein ».
Le sacrifice d’organes n’est qu’une seule des mesures désespérées adoptées par les individus menacés de famine face à la crise alimentaire mondiale actuelle.
La convergence dévastatrice de plusieurs conflits, du changement climatique et de la pandémie de COVID-19 avait déjà mis à rude épreuve bon nombre de pays les plus pauvres de la planète. Mais la guerre actuelle en Ukraine, ainsi que la flambée du prix des céréales et de l’huile de cuisson qui s’en est suivie, risque désormais de déclencher ce que les Nations unies ont nommé un « ouragan de famine », faisant basculer des millions d’individus parmi les plus pauvres du monde dans la catégorie la plus sévère de la faim : la famine.
Voici tout ce que vous devez savoir sur la famine, ses causes, les personnes les plus menacées et comment vous pouvez aider.
4 choses à savoir sur la famine
La famine est une situation dans laquelle un nombre important d’habitants d’une région n’a pas accès à une alimentation adéquate. Elle n’est déclarée que lorsque des conditions spécifiques sont remplies, par exemple lorsque 20 % d’une population reçoit moins de 2 100 calories par jour.
La dernière fois qu’une famine a été déclarée (dans certaines régions du Soudan du Sud en 2017), elle a plongé quelque 100 000 personnes dans la famine.
À certaines périodes, la famine a presque été déclarée, comme au Nigeria et en Somalie en 2017, et à Madagascar en 2021.
Bien qu’actuellement aucune région de la planète ne soit officiellement classée comme traversant une famine, au moins 50 millions de personnes à travers 45 pays (dont la Somalie, le Yémen et l’Afghanistan) en sont proches.
Faim, malnutrition sévère, famine… Quelle différence ?
Malnutrition sévère, faim, famine, insécurité alimentaire… Tous ces termes semblent désigner la même notion, mais dans le monde de l’aide humanitaire et du développement international, ils ont des définitions, des marqueurs et des critères spécifiques.
En 2004, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a mis au point le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), un outil de suivi de la faim dans le monde qui fournirait une « monnaie commune pour classer la gravité et l’ampleur de l’insécurité alimentaire ».
Cet outil, qui est devenu le principal moyen d’identification d’une famine, fonctionne selon une échelle mobile allant de la phase 1 (insécurité alimentaire nulle ou minimale) à la phase 5 (catastrophe ou famine).
Retrouvez ci-dessous un cours accéléré sur quelques-uns de ces termes clefs.
Insécurité alimentaire
L’insécurité alimentaire survient lorsqu’un individu ne dispose pas d’un accès régulier à une quantité de nourriture suffisante pour permettre une croissance et un développement normaux. Cela peut être dû à la non-disponibilité de la nourriture et/ou au manque de ressources pour obtenir celle-ci.
Faim
Selon un rapport des Nations unies sur la faim, le terme « faim » est utilisé pour définir les périodes lors desquelles les populations connaissent une insécurité alimentaire grave, c’est-à-dire qu’elles passent des journées entières sans manger par manque d’argent, d’accès à la nourriture ou à d’autres ressources.
Malnutrition sévère (ou aiguë)
L’ONG Action contre la faim définit la malnutrition aiguë comme « une forme de sous-nutrition provoquée par une diminution de la consommation alimentaire et/ou une maladie qui entraîne une perte de poids soudaine ou un œdème (rétention de liquide) ». Si elle n’est pas traitée immédiatement, le risque de décès est très élevé.
Famine (droit humanitaire)
En droit humanitaire, la famine peut concerner « tout élément essentiel à la survie des civils. » Il s’agit donc entre autres de la nourriture et de l’eau, mais aussi de tout autre type d’objet de première nécessité.
L’utilisation délibérée de la famine de la population civile comme méthode de combat a été érigée au titre de crime de guerre par l’ONU en 2018.
Famine (insécurité alimentaire grave)
Alors que de nombreux pays dans le monde sont confrontés à l’insécurité alimentaire, la famine n’est déclarée que lorsque certaines conditions sont remplies. Ce terme définit une situation dans laquelle un nombre important de personnes d’un pays ou d’une région ne peuvent pas accéder à une alimentation adéquate.
La famine correspond à la rupture et à l’épuisement complet ou à l’inaccessibilité de la nourriture dans une région.
Résultat ? Une malnutrition aiguë généralisée et la mort par famine et par maladie.
La famine est la plus grave des phases de sécurité alimentaire de l’IPC et son principal critère est qu’au moins 20 % d’une population reçoit moins de 2 100 calories par jour.
La dernière fois qu’une famine a été déclarée (dans certaines régions du Soudan du Sud en 2017), elle a plongé quelque 100 000 personnes dans la famine.
Quelles sont les causes principales ?
Une famine peut se produire en raison de plusieurs facteurs différents, tels que des conflits, des déplacements, une extrême pauvreté, une insécurité alimentaire et le changement climatique, mais c’est lorsque plusieurs de ces crises convergent que la famine devient une issue potentielle.
Les guerres et les conflits sont généralement les principaux moteurs de la famine, car ils forcent les individus à fuir leurs maisons, perturbent l’accès à la nourriture et aux revenus, font obstacle à l’aide humanitaire et ébranlent les économies.
Les effets du changement climatique (comme les sécheresses, les inondations et les cyclones) peuvent également accroître le risque de famine dans les régions où la plupart des habitants dépendent de l’agriculture pour survivre. C’est le cas dans certaines parties du sud de Madagascar, où la famine a manqué de peu d’être déclarée en 2021.
Quels pays sont les plus à risque ?
Selon l’IPC, aucune région de la planète ne remplit actuellement les critères pour être considérée comme victime de famine.
Cependant, un rapport de la FAO et du Programme alimentaire mondial (PAM) a classé le Nigeria, l’Éthiopie, le Soudan du Sud, le Yémen, l’Afghanistan et la Somalie dans la catégorie des zones en danger de famine au bord du gouffre. Les voici dans l’ordre croissant du nombre de personnes touchées.
Dans le nord-ouest du Nigeria, une crise de malnutrition croissante se développe. Selon l’organisation non gouvernementale Médecins Sans Frontières (MSF), elle menace la vie de près de 100 000 enfants.
En Éthiopie, de violents affrontements dans le nord de la région de Tigré ont fait des dizaines de milliers de morts et on estime que 4 millions d’individus ont un besoin urgent d’aide alimentaire. Bien qu’une trêve humanitaire ait été conclue en avril 2022, la crise alimentaire devrait s’aggraver dans les mois à venir.
En Somalie, en raison de la pire sécheresse depuis des décennies, 7 millions de personnes (sur une population totale de 16 millions d’habitants) pourraient être menacées de famine au cours des deux prochains mois si l’aide n’est pas augmentée pour répondre aux besoins croissants.
Le Soudan du Sud s’apprête de son côté à vivre la « pire crise alimentaire jamais connue ». Selon les prévisions, environ 8,3 millions de personnes, soit plus de 70 % de sa population, seront confrontées à une famine extrême au cours des prochains mois.
Depuis six ans, le Yémen est en proie à une guerre civile sanglante entre les forces gouvernementales soutenues par l’Arabie saoudite et les combattants houthis soutenus par l’Iran. Selon le Programme alimentaire mondial, près d’un quart de million de Yéménites ont été tués et jusqu’à 17,4 millions d’entre eux ont connu l’insécurité alimentaire.
La récente prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans, après 20 ans de conflit mené par les États-Unis, a durement touché l’économie du pays et entraîné une pauvreté quasi universelle ainsi qu’une crise alimentaire sans précédent. Plus de 20 millions d’individus (soit la moitié des 40 millions d’habitants) sont confrontés à « des niveaux extrêmes de faim, et près de 9 millions d’entre eux sont menacés de famine », estime le HCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés.
Combien de personnes sont menacées par la famine ?
Au total, 50 millions de personnes sont au bord de la famine dans 45 pays.
Pour autant, 828 millions d’individus supplémentaires ne sont pas considérés comme étant confrontés à la famine, bien qu’ils se couchent tout de même chaque soir le ventre vide. Par ailleurs, le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë a explosé, passant de 135 millions en 2019 à 345 millions en 2022.
Qui est le plus vulnérable en cas de famine ?
Les enfants (notamment les nourrissons de moins de trois ans), les femmes enceintes et les personnes qui allaitent sont particulièrement vulnérables aux effets de la malnutrition sévère.
Toutefois, de manière plus générale, les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par les famines, car elles sont confrontées à des obstacles tels que la diminution des possibilités d’emploi, un risque accru de violence sexiste, le travail forcé et le mariage d’enfants.
Comment pouvez-vous aider ?
Une crise est imminente, mais la vague cataclysmique de la famine n’est pas inévitable. Comme l’affirme un nouveau rapport, si les dirigeants du monde entier mettent en œuvre des politiques et prennent des mesures dès aujourd’hui pour stabiliser l’approvisionnement alimentaire mondial, il est encore possible d’empêcher une forte augmentation de la pauvreté et de garantir la sécurité alimentaire mondiale.
Rejoignez Global Citizen pour agir contre la crise alimentaire et la faim, en appelant les dirigeants mondiaux à œuvrer pour la fin du conflit en Ukraine, tout en stabilisant le système alimentaire mondial et en soutenant les communautés les plus vulnérables de la planète.
Signez la lettre ouverte - Appelez les dirigeants mondiaux à prendre des mesures immédiates et décisives pour empêcher une crise alimentaire mondiale en signant notre lettre ouverte