Le VIH/SIDA a commencé comme une maladie qui sème la peur chez les personnes qui en sont infectées, ainsi que chez ceux susceptibles de la contracter. Depuis le début de la pandémie en 1981, 78 millions de personnes ont contracté la maladie et 35 millions sont mortes de causes liées au sida.
Alors que ses véritables origines sont incertaines, il est communément admis que le VIH est originaire de la République démocratique du Congo autour des années 20 quand il est passé des espèces de chimpanzés aux humains. Bien que des cas aient été documentés avant les années 70, le VIH/SIDA est devenu le focus de - et une menace pour - la santé publique au milieu des années 70 et au début des années 80.
Pourquoi le VIH/SIDA s’est-il propagé aussi rapidement en une si courte période de temps? La réponse est complexe.
Il y a eu tout d’abord un grand changement dans les normes culturelles à cette époque. Les émeutes de Stonewall de 1969, quand les homosexuels ont riposté contre un raid de la police dans un bar de Greenwich Village à New York, ont marqué la réelle éclosion du militantisme gai aux Etats-Unis et partout dans le monde. De plus, avec le contrôle des naissances, l'avortement légal, et la disponibilité des antibiotiques pour le traitement de nombreuses maladies sexuellement transmissibles, les risques de toutes les formes de sexualité semblaient plus minimes que jamais auparavant.
Toutefois, cette attitude a très vite changé.
À l’été 1981, le US Centers for Disease Control and Prevention (CDC) a signalé les premiers cas d'une pneumonie rare chez les jeunes hommes gais, marquant ainsi le début de l'épidémie de VIH/SIDA. Le New York Times a également publié le premier article sur les cas de VIH/SIDA intitulé : « Rare cas de cancer dépisté chez 41 homosexuels ». C’est la première fois qu’un « cancer gai » entre dans le langage public.
Vers 1982, l’épidémie de VIH/SIDA se propage à travers les États-Unis. Les premiers cas de sida sont signalés en Afrique et à travers l’Europe. Les professionnels de la santé et les médias ont identifié ce type de syndrome sous le nom de GRID (Gay Related Immune Deficiency), c’est-à-dire : « immunodéficience liée à l’homosexualité », stigmatisant ainsi l'homosexualité.
Plus le nombre de cas diagnostiqués dans la communauté gaie se multipliait, et plus le préjudice empirait. Les militants anti-gais ont fait valoir que les gais étaient la seule raison de la propagation de cette terrible maladie, et les médias n’ont certainement pas aidé. Cela a conduit à des attitudes négatives envers les homosexuels, et en conséquence, beaucoup de gens n’ont pas reconnu la gravité de l'épidémie. Les Européens ont même surnommé le sida, une phobie des Américains.
En septembre 1982, le CDC renomme officiellement la maladie Syndrome d’immunodéficience acquis (SIDA), définissant celle-ci comme étant « modérément prédictive d’un dysfonctionnement de l’immunité à médiation cellulaire, survenant chez des personnes n’ayant aucune cause connue de résistance amoindrie à cette maladie. »
La découverte des premiers cas parmi la population homosexuelle masculine fut attribuée d'une part au fait qu'aux États-Unis, les premiers virus auraient été introduits parmi cette population, et d'autre part, la maladie se serait répandue au sein de cette communauté, du fait de la relative promiscuité de ses membres dans les grands centres urbains. Malheureusement, très peu de mesures ont été prises pour freiner l'épidémie, car le président Reagan refusait de reconnaître que le VIH/SIDA était un problème réel. En fait, il n'a fait sa première déclaration publique concernant le sida que lors d’un discours en 1985 – près de sept ans après l’apparition de la maladie - sur la crise de la santé qui a tué plus de 35 millions de personnes.
Comme l'administration Reagan est restée silencieuse sur la question, le peuple américain en a fait de même. L’épidémie du VIH/SIDA a été balayée sous le tapis, mais a continué de se propager, menant à de basses opinions publiques à l’égard des homosexuels, une norme définie par le silence des plus hauts responsables gouvernementaux. Résultat, on ne faisait rien pour traiter cette maladie dévastatrice.
En 1985, le Département de la Santé et des Services sociaux des États-Unis (HHS) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) accueillent la toute première Conférence internationale sur le SIDA - à Atlanta, en Géorgie; le premier programme d’échange de seringues voit le jour aux Pays-Bas pour lutter contre la propagation du VIH/SIDA par les aiguilles d’injection; la Fondation américaine pour la recherche sur le sida (amfAR) est créée après le décès de l’acteur Rock Hudson, victime du sida, qui a laissé 250 000 $ à cette fin.
À la fin de 1986 - cinq ans seulement après le signalement du premier cas de la maladie - 38 401 cas de SIDA dans 85 pays sont signalés à l'OMS ; au moins un cas dans chaque région du monde. La propagation rapide de la maladie a fait du VIH/SIDA la toute première maladie à faire l’objet de débats dans l’enceinte de l'Assemblée générale des Nations Unies, où l'Assemblée a désigné l'OMS pour diriger les efforts de lutte contre le SIDA dans le monde.
En 1987, l'OMS lance le Programme mondial de lutte contre le SIDA pour renforcer la sensibilisation, générer des politiques fondées sur des données probantes, fournir un soutien technique et financier aux pays, effectuer des recherches, promouvoir la participation des ONG, et promouvoir les droits des personnes vivant avec le VIH. En 1988, l'OMS déclare le 1er décembre comme la Journée mondiale du sida.
Entre 1990 et 2016, d'énormes progrès ont été réalisés pour lutter contre la propagation du VIH/SIDA en adoptant des pratiques sexuelles sans danger et en renforçant la prévention et la sensibilisation. Depuis 1985, une conférence annuelle internationale sur le sida est tenue pour discuter des progrès et des futures mesures à prendre pour réduire le nombre de cas dans le monde.
Des traitements ont été introduits pour les personnes vivant avec le VIH, et en 2015, 46 % des personnes infectées ont eu accès au traitement. L'ONUSIDA a annoncé que les cibles des objectifs du Millénaire pour le développement en ce qui concerne le VIH ont été atteintes six mois avant la date prévue. L'ONUSIDA poursuit également son travail pour prévenir de futurs cas de SIDA, en ligne avec l'objectif de développement durable pour mettre fin au sida d'ici 2030.
Toutefois, lorsque la « panique à Hollywood à l’égard du VIH » a fait les manchettes en 2015, les homosexuels se sont souvenus de la discrimination à laquelle ils ont fait face il y a trois décennies. L’attitude bigote du public et des médias a contribué à la progression rapide de la propagation du VIH/sida dans les années 1980. Les personnes infectées ont été rarement prises au sérieux, et l’on faisait très peu pour trouver une solution à la pandémie. Une telle manchette prouve que les préjugés n’ont pas complètement disparu.
Il ne devrait y avoir aucune complaisance en matière d’éradication du VIH. Même si la maladie n’est plus une menace de mort et qu’il y a des moyens de prévenir l'infection, la lutte est loin d'être terminée. Grâce aux progrès réalisés en médecine, le VIH/SIDA est de nos jours traitable.
Et maintenant, comme l’a si bien dit Elton John, nous devons en éradiquer le symptôme le plus mortel : la stigmatisation.