Lorsque le Président français Emmanuel Macron a annoncé fin 2022, après une COP27 catastrophique, qu'il accueillerait un sommet où les dirigeants mondiaux pourraient tenir leurs engagements en matière de financement climatique, il y avait une lueur d'espoir. 

En effet, face à une série de déceptions lors des COP, peut-être qu'un dirigeant du G7 allait-il enfin réussir à convaincre ses pairs de s’engager à agir pour de bon.

Malheureusement, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, présidé par M. Macron, semble emprunter la même voie que les précédentes conférences de la COP. Malgré quelques petites avancées, le Sommet n'a pas abouti à la mobilisation nécessaire pour le financement et la justice climatique. 

Ce constat est d'autant plus décevant étant donné la campagne Power Our Planet, qui, depuis des mois, appelle les dirigeants mondiaux à fournir des financements climatiques et à réformer le système financier mondial afin de répondre de manière plus efficace aux besoins de la crise climatique. 

Le 22 juin, cette campagne est venue jusqu’à Paris, rassemblant sur le Champ de Mars 24 000 Global Citizens ainsi que des activistes climatiques, dirigeants mondiaux, ONG et artistes. Tous se sont unis pour demander aux dirigeants mondiaux d'agir contre la crise climatique. 

La campagne Power Our Planet se résume à une chose : déterminer comment le monde va financer la réponse à la crise climatique. 

Les Global Citizens appellent les dirigeants mondiaux, les institutions financières et le secteur privé à :  

  • tenir leurs promesses, comme par exemple à enfin honorer leur engagement tant attendu de 100 milliards de dollars promis pour le financement climatique ;  
  • mobiliser des financements pour s'assurer que les pays vulnérables au changement climatiques aient accès au financement nécessaire pour répondre à ses impacts et passer à l'énergie verte ;   
  • effectuer une transition vers un avenir sobre en carbone compte tenu de la nécessité de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre.  

Réunissant plus de 300 États et organisations, le Sommet à Paris avait comme objectif de trouver des financements pour la lutte contre le changement climatique et de réformer un système financier mondial qui empêche les réponses nécessaires et urgentes à travers le monde. 

Mais après tout ce battage médiatique, le Sommet a-t-il honoré ses promesses ? Examinons de plus près ce que nous avons demandé et ce que les dirigeants mondiaux ont réellement accompli lors de cet événement. 

Tenir leurs promesses 

Ce que nous avons demandé 

Tout d'abord, en 2009, les pays riches se sont engagés à fournir 100 milliards de dollars par an en financement climatique de 2020 à 2025. Nous sommes maintenant en 2023, et c’est loin d’être le cas. Il reste encore un déficit de 16 milliards de dollars, qui étaient dus en 2020. 

Deuxièmement, les pays du G20 ont promis d'allouer 100 milliards de dollars sous forme de droits de tirage spéciaux (DTS). Pendant la pandémie, le Fonds monétaire international (FMI) a émis 650 milliards de dollars de DTS pour soutenir la reprise économique mondiale.  

Mais, en raison d'une bizarrerie du système financier mondial, la majorité de ces DTS ont été alloués aux pays les plus riches. Les nations du G20 en ont reçu 68 %, contre seulement 7 % pour les 44 pays les plus pauvres. Nous avons demandé aux pays du G20 de réaffecter 100 milliards de dollars de DTS à ceux qui en ont le plus besoin.  

Et nous avons terminé par un appel récurrent, mais vital. Nous avons appelé les gouvernements à continuer d'augmenter leurs budgets d'aide internationale et à investir dans des domaines tels que l'éducation, la santé, la sécurité alimentaire, etc.  

En somme, nos demandes se traduisent par un besoin de 100 milliards de dollars par an en financement climatique, une redistribution de 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux, et enfin, une augmentation des budgets de l'aide internationale.  

Les résultats

100 milliards de dollars de financement dans la lutte contre le changement climatique 

Lors de l'ouverture du Sommet, les économistes mandatés par la présidence de la COP28 ont déclaré que l'objectif de 100 milliards de dollars devrait être atteint cette année, ce qui a été accueilli favorablement.  

Cette estimation ne peut être considérée comme fiable sans être approuvée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  

Un nouveau partenariat pour une transition énergétique juste entre le Sénégal et le G7 a également été annoncé. L'objectif est d'augmenter la part des énergies renouvelables du pays à 40% d'ici 2030, accompagné d'un financement supplémentaire de 2,5 milliards d'euros pour soutenir cette transition. Les sources de financement et les détails sur son utilisation ne sont toutefois pas encore définis et doivent être clarifiés.  

Bien que ce partenariat entre le G7 et le Sénégal soit bénéfique, il ne constitue pas une solution pour les nombreux autres pays qui ont besoin d'un soutien dans leur transition aux énergies vertes.  

100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux 

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, et les documents finaux du Sommet ont annoncé que l'objectif de 100 milliards de dollars en DTS avait été atteint. Cependant, cela inclut une contribution américaine de 21 milliards de dollars qui n'a pas encore été approuvée par le Congrès américain, et il est peu probable qu’elle le soit cette année, ainsi que d’autres engagements qui n’ont pas été tenus.  

Il est donc trompeur d'affirmer que l'objectif des 100 milliards de dollars a été atteint. Cela ne sera le cas que lorsque tous les DTS auront bel et bien été réaffectés. 

Même si la totalité des 100 milliards de dollars de DTS a été promise, il faut mettre en place un processus pour gérer ce transfert de financement, en demandant par exemple aux banques multilatérales de développement de veiller à ce que les DTS soient distribués correctement. 

Le FMI a annoncé qu'il augmentera la capacité d'absorption du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité de 40 à 60 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 20 milliards de dollars dans la capacité de réaffectation. Ce fonds est l'un des deux mécanismes du FMI par lesquels les DTS peuvent être alloués, mais il est actuellement plafonné. En augmentant ce plafond à 60 milliards de dollars, une plus grande partie des 100 milliards de dollars de DTS pourra être mise en œuvre.

En revanche, il manque dans les résultats finaux du Sommet une date limite claire pour que ces transferts aient lieu. 

La France s'est également engagée à réaffecter 40 % de ses DTS, la Belgique 15 % et la Suisse 6,7 %. Suite à l’engagement du Japon en avril à également réaffecter 40 % de ses DTS, cette décision de la France démontre ainsi un leadership fort et donne un exemple important à suivre pour les autres pays riches.  

Même si les partenaires du G20 n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la création d'un système de suivi en matière de réaffectation des DTS, afin de vérifier de manière transparente l'évolution des réaffectations, cela a toutefois été inscrit sur la liste en tant que proposition. 

Augmenter l'aide publique au développement (APD) 

En matière d'aide publique au développement ou des budgets d'aide internationale, les pays les plus pauvres du monde continuent d'être négligés et dépriorisés.  

En 2022, près de 30 milliards de dollars destinés au bien-être des pays en développement n'ont pas été déployés, mais sont restés au sein des nations les plus riches du monde, notamment pour soutenir les populations réfugiées.  

Le Royaume-Uni, par exemple, a détourné près d'un tiers de son budget d'aide internationale vers des programmes nationaux en 2022. Environ 3,7 milliards de livres sterling, qui auraient dû servir à aider les personnes vulnérables à l'étranger, ont plutôt été dépensées pour accueillir des réfugiés en Grande-Bretagne, la plupart d'entre eux Ukrainiens.  

Pourtant, l'aide au développement est un outil essentiel que les gouvernements doivent mobiliser de toute urgence afin d'aider les populations des pays à faible revenu à surmonter les crises simultanées de l'insécurité alimentaire, du changement climatique et de la hausse des prix du carburant. Sans cette assistance, nous risquons de voir ces populations sombrer davantage dans l'extrême pauvreté. 

Nous avons besoin de toute urgence que les gouvernements augmentent et accélèrent leurs contributions à l'aide internationale au développement. Et pourtant, non seulement les pays n'ont pas consenti à intensifier leurs engagements en matière d'APD, mais elle n'a été mentionnée dans aucun des documents finaux du Sommet.  

Mobiliser des fonds  

Ce que nous avons demandé  

En plus de respecter les engagements de financement déjà pris, il est impératif de débloquer des ressources supplémentaires, car la résolution du défi du changement climatique ne sera pas sans efforts financiers considérables.  

Nous avons tout d’abord besoin que les banques de développement du monde entier, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), réforment leurs politiques pour débloquer des fonds.  

Leur structure actuelle implique qu'elles détiennent des ressources financières considérables (à hauteur de mille milliard de dollars) qui, si elles réforment leurs politiques, pourraient être mobilisées pour lutter contre le changement climatique et mettre fin à l'extrême pauvreté.  

Notre appel aux banques mondiales de développement consistait donc à rendre les prêts plus accessibles aux pays nécessitant un accès au financement MAINTENANT, à réformer leurs processus pour une meilleure réponse à la crise climatique, à trouver des solutions urgentes à la crise actuelle de la dette qui affecte durement les pays à faible revenu. Il est également crucial de réviser les mécanismes existants afin de prévenir tout nouveau surendettement. 

Une solution clé de la crise de la dette croissante serait l'introduction de clauses suspensives, qui permettraient aux pays d'interrompre leur remboursement en cas de catastrophe. À l'heure actuelle, les remboursements de la dette des pays atteignent leur plus haut niveau depuis 25 ans. En obtenant la possibilité de suspendre les remboursements, les pays touchés par une catastrophe pourraient consacrer leurs ressources à réagir et à se relever. 

Les résultats

Réforme des banques multilatérales de développement  

Au cours du Sommet, aucun accord n’a été conclu concernant des réformes majeures des BMD, mais un soutien a été exprimé en faveur d'une intensification de la mise en œuvre d’un cadre d’action pour les BMD (CAF). Le CAF est en somme un rapport soumis au G20, qui contient des recommandations sur la manière dont les banques multilatérales de développement peuvent mobiliser davantage de financements. Nous avons demandé aux BMD de mettre en œuvre ces recommandations. 

Parmi les trois documents finaux, l'Agenda de Paris pour les peuples et la planète a suscité l'espoir d’une augmentation de la capacité de prêt des BMD jusqu’à 200 milliards de dollars supplémentaires au cours des dix prochaines années. Cela peut se faire en optimisant leurs bilans et en prenant davantage de risques. En contrepartie, les actionnaires pourraient réinjecter de nouveaux capitaux dans les BMD. 

Une allocation de 20 milliards de dollars supplémentaires par an est inférieure à nos demandes et aux besoins réels, mais cela représenterait tout de même une avancée significative. Tous les pays n'ont toutefois pas adhéré à l'agenda et nous espérons qu'ils le feront rapidement. 

La Banque mondiale a lancé de nouvelles initiatives pour débloquer des fonds, comprenant notamment l'octroi d'une plus grande flexibilité aux pays afin de réallouer rapidement une partie de leurs ressources vers des interventions d'urgence. Elle apporte également son soutien aux gouvernements dans la mise en place de systèmes d'urgence anticipés et propose de nouveaux types d'assurance pour accompagner les projets de développement. 

Clauses suspensives de la dette  

Faisant preuve de bonne foi, une coalition de créanciers a accepté d'inclure des clauses suspensives et une évaluation des progrès accomplis d'ici la COP28. 

Pour l'instant, il ne s'agit pas d'un engagement vis-à-vis des pandémies, mais plutôt d'une simple exploration. Bien qu'une analyse de ces plans ait été prévue pour la COP28, aucun calendrier réel n’a été donné pour sa mise en œuvre.  

La France a déclaré qu'elle introduirait dès à présent les clauses suspensives ; davantage de pays devraient faire de même. D'autres engagements encourageants en faveur de l’inclusion de clauses ont été pris par la Banque mondiale, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cependant, d'autres BDM, telles que la Banque européenne d'investissement, ainsi que d'importants créanciers bilatéraux tels que l'Allemagne, sont absents de cet engagement. 

En parlant de dettes, la Zambie(un pays en proie à une crise de la dette poussant sa population dans la pauvreté depuis des années) a conclu un accord de restructuration pour sa dette de 6,3 milliards de dollars, ouvrant la voie à une tranche de 188 millions de dollars de la part du FMI. 

Toutefois, cet accord ne concerne que la dette dite souveraine, c'est-à-dire celle détenue par des créanciers officiels tels que d'autres gouvernements. Les créanciers privés ne sont pas inclus dans cet accord. Ils devraient désormais suivre cette initiative et également accepter de restructurer la dette de la Zambie. Après l’accord conclu avec ce pays, il est nécessaire de parvenir à d'autres accords similaires pour les nations en situation de surendettement. 

La Colombie, le Kenya, la France et l'Allemagne ont proposé la mise en place d'un groupe d'experts mondial pour examiner les questions liées à la dette, à la nature et au climat. Ce groupe devrait être créé d'ici la COP28 et présenter un rapport au plus tard lors de la COP29. La Côte d'Ivoire et la France ont convenu d'une réduction de la dette bilatérale ivoirienne de 1,14 milliard d'euros, qui sera convertie en subventions pour financer divers projets de développement. 

Effectuer une transition vers un avenir sobre en carbone  

Ce que nous avons demandé  

Il est temps que les plus gros pollueurs du secteur privé commencent également à faire leur part et à contribuer au financement de la lutte contre le changement climatique.  

Nous avons appelé les gouvernements à introduire de nouvelles taxes mondiales de solidarité sur les plus principaux émetteurs de carbone à l’échelle mondiale, notamment sur le secteur mondial du transport maritime, qui représente actuellement un peu moins de 3 % des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’une (petite) taxe sur les transactions financières. Ces mesures contribueraient à financer des solutions climatiques.  

Les résultats

Taxes de solidarité internationale  

Une coalition de pays a soutenu l'introduction d’une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur provenant du transport maritime, ce qui est un bon signe. Selon les documents finaux du Sommet, les revenus issus de cette taxe devraient « notamment » contribuer à la transition de l'industrie du transport maritime vers une énergie propre.  

Les revenus générés par ces taxes sont également essentiels pour soutenir le financement international de la lutte contre le changement climatique, y compris pour les pertes et dommages, ainsi que l'adaptation. Par ailleurs, il est encourageant de constater que les recettes fiscales sont identifiées comme une source potentielle de financement pour ces aspects, ce qui représente un pas dans la bonne direction.

Le lancement d'un groupe de travail chargé d'examiner les nouvelles ressources potentielles de financement par le biais de la fiscalité a été proposé, afin de présenter les premières conclusions lors de la Semaine africaine du climat qui se tiendra au Kenya en septembre 2023. 

Alors, qu’en avons-nous conclu de ce Sommet ?   

Malgré les efforts du Président Macron, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial ne peut être considéré comme un succès. Les autres dirigeants du G7 n'ont tout simplement pas tenu leurs promesses, ignorant les besoins urgents des populations et des pays les plus vulnérables. Pendant ce temps, les États-Unis n'ont pas honoré leur engagement climatique. En tant que la plus grande économie, les États-Unis doivent intensifier leurs efforts pour se tenir responsable et honorer leurs promesses pour aider les pays les plus marginalisés du monde.

Nous avons encore besoin de réformes ambitieuses de la part des plus grandes économies et des plus gros pollueurs du monde. La campagne Power Our Planet est loin donc d’être terminée.  

La campagne continuera sa lutte pour la justice au nom des pays et des populations dévastés par le changement climatique, malgré leur faible contribution à cette crise. Notre attention se tourne désormais vers les réunions du G20 de cette année, l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), le Global Citizen Festival du 23 septembre, et la COP28. Tant que nous n'aurons pas atteint notre objectif, nous continuerons notre combat.  

Advocacy

Défendre la planète

Un sommet sur le financement climatique qui n’aboutit pas à des avancées critiques pour les pays vulnérables

Par Camille May  et  Tess Lowery