« Mais notre lexique tout entier – relations interraciales, discriminations, justice raciale, profilage racial, privilège blanc et même suprématie blanche – ne sert qu’à oblitérer l’expérience viscérale du racisme, » écrit le journaliste et commentateur social Ta-Nehisi Coates, dans son article de 2015 Lettre à mon fils. « Le fait qu’il détruit des cerveaux, empêche de respirer, déchire des muscles, éviscère des organes, fend des os, brise des dents. »
La traite transatlantique des esclaves. L’holocauste pendant la Seconde Guerre mondiale. Le meurtre d’Emmett Till en 1955 (et la protestation emblématique de Rosa Parks 100 jours plus tard). Le mouvement des droits civiques aux États-Unis. L’apartheid en Afrique du Sud. George Floyd.
Tous ces événements et personnalités ont deux fils conducteurs : le concept de » « race » » et l’équité raciale. Depuis des siècles, l’humanité a connu des débats, des politiques, des protestations, des mouvements, des idéologies, voire des guerres, en raison de ces sujets.
Comme beaucoup d’autres problèmes mondiaux - le changement climatique, la violence sexiste, la pauvreté, etc. - il peut être difficile de comprendre ce que sont ces questions comme la « race » et l’équité raciale, pourquoi elles sont importantes et pourquoi nous devons tous agir pour un monde meilleur.
Par exemple, l’égalité et l’équité semblent être des mots similaires qui signifient la même chose, mais ce n’est pas le cas et il est important de connaître la différence pour créer un monde où les plus vulnérables seront protégés et soutenus le plus efficacement possible.
Pour paraphraser notre article plus approfondi sur la différence entre ces deux mots, l’égalité consiste à donner à chacun la même quantité de ressources, qu’il en ait besoin ou non, tandis que l’équité consiste à donner à chacun les ressources dont il a besoin pour être au même niveau que les autres (en d’autres termes, distribuer les ressources en fonction de ceux qui en ont le plus besoin).
La « race » et l’équité raciale sont des sujets de réflexion très complexes, car ils transcendent les frontières sociales, géographiques, culturelles, industrielles et économiques. Elles n’ont pas la même signification en Afrique du Sud, par exemple, qu’aux États-Unis ou en Europe.
Mais tout le monde doit avoir une certaine conception du concept de « race » et d’équité raciale pour nous aider à comprendre l’intérêt d’agir en faveur de la justice sociale et de lutter contre l’oppression dans nos vies et dans nos communautés. Alors, par où commencer ?
Nous avons dressé une liste de quelques-uns des mots et expressions essentiels souvent utilisés pour décrire les concepts de « race » et d’équité raciale, afin de vous aider à commencer à apprendre et à comprendre l’importance de ces concepts et des discours actuels dans lesquels ils jouent un rôle.
L’intersectionnalité
L’intersectionnalité est un concept créé par Kimberlé Williams Crenshaw, une universitaire féministe noire, en 1989. Crenshaw a utilisé l’intersectionnalité pour expliquer comment les différents niveaux de discrimination sont interconnectés.
Selon elle, différents types d’inégalités au sein de la « race », de la sexualité et de la classe sociale peuvent créer un type de discrimination plus complexe.
« Ces observations révèlent l’influence de l’intersectionnalité sur le vécu des femmes de couleur. Les considérations d’ordre économique — accès à l’emploi, au logement, aux soins de santé — confirment que les structures de classe contribuent largement à déterminer l’expérience des femmes de couleur vis-à-vis de la violence. », écrit-elle dans son article de 1994 intitulé Cartographies des marges :intersectionnalité, politique de l’identité et violences contre les femmes de couleur.
« On aurait tort, toutefois, d’en conclure que seule la pauvreté est ici en cause. » Elle continue : « L’observation des trajectoires de ces femmes révèle qu’elles sont en fait déterminées par l’entrecroisement de diverses structures, la dimension de classe elle-même n’étant pas indépendante de la « race » et du genre. »
Les militants noirs, les universitaires et les individus noirs utilisent désormais l’intersectionnalité pour expliquer comment d’autres formes de discrimination sont associées au racisme. Il est important de comprendre l’intersectionnalité pour comprendre comment différents systèmes d’oppression peuvent se permettre et se soutenir mutuellement.
Suprémacisme blanc
Définition : « La croyance selon laquelle les Blancs constituent une « race » supérieure et doivent donc dominer la société, le plus souvent en excluant ou au détriment d’autres groupes raciaux et ethniques, en particulier les Noirs ou les Juifs.. » — Dictionnaire Oxford.
La suprématie blanche est la croyance que les blancs sont supérieurs à toutes les autres « « race »s ». Cela peut sembler extrême, mais cette croyance se retrouve dans tous nos systèmes sociaux, économiques et politiques qui permettent aux Blancs de dominer les autres « races ».
La suprématie blanche n’est pas seulement défendue par les Blancs, elle peut aussi se manifester dans d’autres communautés non blanches où la blancheur ou la conformité à la blancheur est célébrée.
« L’erreur la plus courante que font les gens lorsqu’ils parlent de racisme (suprématie blanche) est de le considérer comme un problème de préjugés personnels et d’actes individuels de discrimination », écrit Elizabeth « Betita » Martinez, organisatrice et militante américaine, dans son essai What Is White Supremacy. « Ils ne voient pas qu’il s’agit d’un système, d’un réseau d’institutions imbriquées et qui se renforcent : politiques, économiques, sociales, culturelles, juridiques, militaires, éducatives, tous nos systèmes. »
Privilège blanc
Définition : « Avantages intrinsèques que possède une personne blanche en raison de sa « race » dans une société caractérisée par l’inégalité et l’injustice raciales. » - Dictionnaire Oxford.
Le privilège blanc est l’avantage qui découle du fait de vivre dans une société marquée par l’inégalité raciale. Dans la mesure où les Blancs sont considérés comme supérieurs, ils bénéficient automatiquement de privilèges et d’opportunités auxquels les personnes non blanches n’ont pas accès.
« Vous pouvez être une personne blanche et être pauvre et ne pas avoir accès à l’éducation ou être confronté à une barrière linguistique sur le lieu de travail. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas être désavantagé d’autres manières. Cela signifie simplement qu’en ce qui concerne cette chose particulière - votre « race » et la couleur de votre peau - vous avez le luxe de ne pas pouvoir y penser », a déclaré J.T. Flowers, un rappeur et activiste de 26 ans, à la BBC en 2020.
Parce que le privilège blanc peut être ignoré par les personnes privilégiées, il faut un effort conscient pour l’accepter et le reconnaître. La reconnaissance est la première étape.
« Race »
Definition : “Ancienne catégorisation de l’espèce humaine selon des critères morphologiques ou culturels, sans aucune base scientifique et dont l’emploi est au fondement des divers racismes et de leurs pratiques. ” Larousse
La « race » est le regroupement de personnes en fonction de leurs caractéristiques physiques et sociales. Chaque être humain peut être classé dans une ou plusieurs « race »s et, pendant des centaines d’années, la « race » a été utilisée comme moyen de discrimination et de traitement injustifié des personnes.
« Ce ne sont pas nos différences qui nous divisent. C’est notre incapacité à reconnaître, accepter et célébrer ces différences », a écrit Audre Lourde dans son livre Sister Outsider : Essais et discours.
Il est important que, tout en célébrant nos cultures et nos ancêtres, nous nous souvenions que nos différences devraient nous unir.
Antiracisme
Définition : "La politique ou la pratique consistant à s’opposer au racisme et à promouvoir la tolérance raciale." - Dictionnaire Oxford.
Dans son livre Comment devenir antiraciste, l’universitaire et militant noir Ibram X. Kendi déclare : » Le contraire de « raciste » n’est pas « pas raciste ». C’est « antiraciste ». Quelle différence entre
ces deux termes ? Soit on soutient l’idée d’une hiérarchie raciale en tant que raciste, soit celle d’égalité raciale en tant qu’antiraciste. »
Il ajoute : « Soit on croit que les problèmes trouvent leurs racines chez des groupes de gens et on est raciste, soit on situe les racines de ces problèmes dans le pouvoir et la politique et on est antiraciste. »
Dans un monde où tous ceux qui ne sont pas blancs sont souvent victimes de discrimination, il est important que les Blancs travaillent activement à être antiracistes.
Cela signifie « faire le point et éradiquer les politiques qui sont racistes, qui ont des résultats racistes, et s’assurer qu’en fin de compte, nous travaillons à une société beaucoup plus égalitaire et émancipatrice », selon Malini Ranganathan, chef d’équipe de la faculté de l’Antiracist Research and Policy Center.
Colorisme
Définition : « Préjugé ou discrimination à l’encontre des personnes ayant un teint foncé, généralement au sein des personnes d’un même groupe ethnique ou racial. » — Dictionnaire Oxford.
En raison de l’influence de la suprématie blanche dans le monde d’aujourd’hui, le rapprochement avec la couleur blanche est généralement considéré comme bon et louable dans de nombreuses régions du monde. Cela se manifeste couramment autour de nous sous la forme de la couleur de la peau : les personnes à la peau claire sont souvent traitées différemment des personnes à la peau plus foncée en raison de leur proximité perçue avec la blancheur.
Le colorisme affecte les personnes non blanches dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, les soins de santé, le divertissement et même dans leurs communautés.
« Le colorisme est un système social [qui] imprègne toutes les facettes de la société et de la culture. Il s’agit essentiellement d’une hiérarchie sociale ou d’une stratification, où les personnes à la peau claire sont au sommet de la hiérarchie, en particulier si... leur peau claire coïncide avec des choses comme des cheveux plus raides ou des couleurs d’yeux plus claires », a déclaré le Dr Sarah L. Webb, fondatrice de Colorism Healing, à Forbes en janvier.
Elle a ajouté : « Et les personnes ayant des teintes de peau plus foncées et des textures de cheveux plus kinky, des traits plus larges, sont reléguées et marginalisées au bas de la hiérarchie... et cela dépend de votre sexe, de votre classe [sociale et économique], plus ou moins. »
Racisme
Définition : "Préjugé, discrimination ou antagonisme de la part d’un individu, d’une communauté ou d’une institution à l’encontre d’une ou plusieurs personnes en raison de leur appartenance à un groupe racial ou ethnique particulier, généralement minoritaire ou marginalisé." - Dictionnaire Oxford.
Le racisme est simplement la marginalisation des personnes qui ne sont pas blanches par la hiérarchie raciale qui favorise les blancs. C’est un problème qui existe dans le monde entier et qui se manifeste dans différents domaines de la vie des gens.
Les personnes qui ne sont pas blanches sont victimes de discrimination dans l’éducation, les soins de santé, l’industrie du divertissement, la politique, etc., parce que d’autres personnes en position de pouvoir dans ces espaces - et les systèmes qui sont eux-mêmes à l’origine du pouvoir et le renforcent - ont des préjugés contre leur groupe racial ou ethnique.
« La question déterminante est de savoir si la discrimination crée de l’équité ou de l’iniquité. Si la discrimination crée l’équité, alors elle est antiraciste. Si la discrimination crée une inégalité, elle est raciste », a déclaré Ibram X. Kendi, universitaire et militant, dans son livre Comment devenir antiraciste.
Racisme systémique
Définition : « Politiques et pratiques qui existent dans l’ensemble d’une société ou d’une organisation, et qui entraînent et soutiennent un avantage injuste et continu pour certaines personnes et un traitement injuste ou préjudiciable pour d’autres en fonction de la « race ». » - Dictionnaire de Cambridge.
Le racisme systémique fait référence aux politiques et pratiques existantes dans la société, conçues pour avoir des résultats racistes et soutenir la discrimination à l’encontre des personnes qui ne sont pas blanches. Ces systèmes sont présents dans l’éducation, les soins de santé, le logement, la politique et de nombreux autres domaines de la société.
Les personnes blanches bénéficient du racisme systémique, mais celui-ci empêche également les personnes qui ne sont pas blanches d’avoir les mêmes privilèges et accès que les personnes blanches.
La principale conclusion à tirer du racisme systémique et institutionnel est qu’il n’existe pas de « petites doses de racisme », de « poches de racisme » ou d’« incidents racistes aléatoires » isolés du reste de la société. Que vous en soyez conscient ou non, le racisme est systémique, omniprésent et ancré au cœur de toutes nos grandes institutions", écrit Crystal Marie Fleming dans son livre How To Be Less Stupid About « race ».
Il est important d’aborder et de démanteler le racisme systémique pour lutter contre l’inégalité raciale, car nous ne pouvons pas être égaux lorsque des pratiques et des politiques en place empêchent des groupes de personnes de survivre et de prospérer.
Appropriation culturelle
Définition : « L’adoption non reconnue ou inappropriée des coutumes, pratiques, idées, etc. d’un peuple ou d’une société par les membres d’un autre peuple ou d’une autre société, généralement plus dominante. » - Dictionnaire Oxford.
L’appropriation culturelle se produit lorsque des personnes étrangères à une culture utilisent des objets, une langue, des pratiques, des symboles et d’autres éléments de manière irrespectueuse pour la culture dont elles s’inspirent. Elle est dangereuse car elle renforce les stéréotypes sur les autres cultures et contribue à leur oppression.
L’appropriation culturelle est plus courante dans la musique, la mode et la culture pop. S’il est normal d’apprécier les autres cultures, il est important de comprendre la différence entre appropriation et appréciation.
« En réalité, il n’est jamais simple de trancher entre l’appréciation et l’appropriation culturelles, car les cultures sont vastes, complexes, historiquement déterminées et en constante évolution », explique Joshua E. Kane, maître de conférences et président du groupe de travail sur les manuels scolaires antiracistes du College of Integrative Sciences and Art (CISA) de l’Arizona State University.
« Partager la culture des uns et des autres n’est pas uniquement une bonne chose ; lorsque c’est bien fait, c’est un élément essentiel qui contribue à la construction de la communauté », ajoute Kane. « Mais le partage culturel est meilleur lorsqu’il est fait avec discernement. Et l’appréciation culturelle est meilleure lorsqu’elle n’est pas éphémère ou dictée par une mode. »
Réparations
Définition : « L’action de réparer un tort commis, en fournissant un paiement ou une autre aide à ceux qui ont été lésés ». - Dictionnaire Oxford.
Les réparations sont des compensations et des restitutions versées à une personne ou à un groupe de personnes qui ont été victimes de crimes.
Par exemple, de nombreuses communautés minoritaires ont été exploitées par les Blancs à travers la colonisation, l’esclavage et d’autres formes terribles d’oppression. En conséquence, ces groupes et communautés demandent réparation pour tout ce qu’ils ont subi et continuent de subir, de nombreuses générations plus tard.
« La justice exige non seulement de cesser et de renoncer à l’injustice, mais aussi de punir ou de réparer les blessures et les dommages infligés pour des actes répréhensibles antérieurs », a déclaré Amos Wilson, militant, universitaire et professeur de psychologie.
« L’essence de la justice est la redistribution des acquis obtenus par la perpétration d’une injustice », poursuit M. Wilson. « Si la restitution n’est pas faite et si des réparations ne sont pas instituées pour compenser les injustices antérieures, ces injustices sont en fait récompensées. »
Allié
Définition : « Une personne ou une organisation qui coopère avec une autre ou l’aide dans une activité particulière ». - Dictionnaire Oxford.
Un allié est une personne qui reconnaît ses privilèges et travaille avec des personnes qui ne sont pas blanches pour lutter contre les inégalités.
De nombreuses personnes qui ne subissent pas elles-mêmes l’oppression des groupes et communautés minoritaires peuvent soutenir et aider à faire entendre leur voix lorsque les membres de ces groupes marginalisés s’expriment en leur nom. D’autres peuvent prêter leurs ressources et leur temps pour garantir un monde équitable. Ce sont des allié(e)s.
« Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est que les Blancs désapprennent le racisme de manière consciente, cohérente et intentionnelle », a déclaré Nova Reid, une militante et l’auteur de The Good Ally.
« Pour moi, un allié est une personne qui défend et travaille aux côtés de la communauté noire, qui élève les communautés vers un objectif commun et partagé, motivé uniquement par la cause, et non par la volonté de se faire bien voir. »
Tokénisme ou Quota ethnique
Définition : « Pratique consistant à ne faire qu’un effort superficiel ou symbolique pour réaliser une chose particulière, notamment en recrutant un petit nombre de personnes issues de groupes sous-représentés afin de donner l’apparence d’une égalité sexuelle ou raciale au sein d’un groupe. » - Dictionnaire de Cambridge.
Alors que les minorités raciales et ethniques continuent de se battre pour une meilleure représentation et une plus grande diversité, certaines organisations et personnes veulent apparaître comme diversifiées au lieu de faire le travail nécessaire pour l’être réellement. Cela se traduit par du tokenisme, qui consiste simplement à augmenter le nombre de personnes issues d’un groupe minoritaire pour donner l’apparence de la diversité.
Le tokénisme n’aide pas réellement le groupe minoritaire concerné car aucun changement durable n’est apporté.
« Le tokénisme consiste à insérer des personnages diversifiés parce que vous vous sentez obligé de le faire ; la vraie diversité consiste à écrire des personnages qui ne sont pas seulement définis par leurs couleurs de leur peau, et à distribuer le bon acteur pour le rôle », a écrit l’actrice America Ferrera dans un essai de 2016 sur la diversité pour Deadline Hollywood.