Si l’on vous dit « protestation », vous imaginez sans doute un groupe de personnes, pancartes à la main, qui déambulent d’un point A à un point B. Depuis des centaines, voire des milliers d’années, les gens descendent dans la rue pour faire entendre leur voix. Ce phénomène n’a rien de nouveau.
Pourtant, si on peut avoir l’impression que les actes de protestation sont plus nombreux que d’habitude, c’est parce que c’est bien le cas. En réalité, ils ont même triplé en moins de 15 ans. Nous traversons en effet une ère historique de protestation.
Mais parfois, les actes de protestation peuvent prendre une forme moins conventionnelle qu’une simple manifestation dans la rue. Dans certains cas, un petit groupe de personnes suffit pour avoir des répercussions massives. Il suffit parfois même d’une seule personne.
Greta Thunberg, qui est passée du statut de jeune militante solitaire à celui de pionnière mondiale du climat, a déclaré un jour : « On n’est jamais trop petit pour faire la différence ». Et nous pensons que les actes de protestation qui suivent, certes modestes mais efficaces, prouvent que l’activiste suédoise a raison.
1. Une journaliste russe fait irruption dans le journal télévisé
Marina Ovsyannikova, présentatrice de télévision russe, a interrompu une émission en direct sur la télévision publique russe au mois de mars pour manifester contre la guerre après l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine.
Alors qu’une animatrice présentait un reportage sur la rencontre entre la Russie et la Biélorussie, la journaliste de télévision Marina Ovsyannikova, qui travaille à la chaîne, a jailli derrière elle en brandissant une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « NO WAR. Arrêtez la guerre. Ne croyez pas la propagande. Ils vous mentent ici ».
Diversion during Channel One main state TV evening show tonight - a woman with No to War poster yells stop the war. Channel One already "probing the incident regarding the outsider's presence during live broadcast." pic.twitter.com/wHyV9lyHZe
— Mary Ilyushina (@maryilyushina) March 14, 2022
La pancarte n’a été filmée que quelques secondes, mais son impact a été perçu dans le monde entier, suscitant les éloges de dirigeants mondiaux, dont le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi que des appels à une nomination pour le prix Nobel de la paix.
Une vidéo a ensuite été publiée sur les réseaux sociaux, dans laquelle Marina Ovsyannikova déclarait avoir honte de travailler pour une chaîne diffusant de la propagande russe.
Depuis, la guerre en Ukraine a pris de l’ampleur, tout comme la contestation en Russie, où la police réprime et interpelle des milliers de personnes qui protestent contre l’invasion.
2. Des femmes se déguisent en mariées ensanglantées pour protester contre un loi sur le viol au Liban
Pour protester contre une loi vieille de plusieurs décennies qui permettait aux violeurs d’échapper à des poursuites judiciaires en épousant leur victime, 12 femmes libanaises, habillées en robes de mariée blanches tachées de faux sang et portant des bandages sur les yeux, les genoux et les mains, se sont postées devant le bâtiment du gouvernement libanais dans le centre-ville de Beyrouth, en 2016.
La protestation a porté ses fruits, puisque le Parlement du Liban a abrogé la loi un an plus tard.
#lebanon :girls in wedding dresses and bandages during a silent #protest against #rape and #violence against women #beirut #522 #abaadpic.twitter.com/ge9Rnpd5E2
— Hasan Shaaban (@hasanshaaban) December 6, 2016
3. Les Pussy Riot envahissent un match de la Coupe du monde de football en Russie
Le groupe punk Pussy Riot est célèbre pour ses actes de protestation contre les violations des droits de l’homme en Russie. Que ce soit en se produisant au sommet d’un échafaudage dans le métro de Moscou en 2011, en déchirant des oreillers de plumes et en jetant leur contenu sur la voie, ou en envahissant un match de la Coupe du monde en Russie en 2018, elles savent attirer les yeux du monde entier sur leur cause.
4. Greta Thunberg proteste devant le Parlement suédois
Ce récit est si marquant qu’il marquera l’histoire. À l’été 2018, alors que Greta Thunberg n’avait que 15 ans et qu’elle était en troisième, elle a organisé une grève de deux semaines devant le Parlement suédois, exigeant que son gouvernement réduise ses émissions de gaz à effet de serre.
”We kids most often don’t do what you tell us to do. We do as you do. And since you grown-ups don’t give a damn about my future, I won’t either. My name is Greta and I’m in ninth grade. And I am school striking for the climate until election day.” 1/3 https://t.co/LrRgTD2rmEpic.twitter.com/UQPFjzTjV2
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) August 20, 2021
Depuis, elle a lancé le mouvement international Fridays For Future, elle est devenue une pionnière internationale du climat, elle a été nommée personne de l’année par le Time et elle a été nommée plusieurs fois pour le prix Nobel de la paix dans le cadre de son activisme climatique. En 2020, 4 millions de personnes se sont jointes à elle dans une grève à travers 161 pays, la plus grande manifestation climatique de l’histoire.
5. Quatre hommes créent l’Ambassade aborigène dans une tente
Nous sommes en 1972. Quatre jeunes militants des Premières Nations se rendent en face de la colline du Parlement australien au milieu de la nuit, ouvrent un parasol, le plantent dans le sol et s’installent.
Le lendemain matin, sur leurs pancartes, on peut lire : « La propriété de la terre, pas la location », « Pourquoi payer pour utiliser notre propre terre ? », « Que choisissez-vous ?? Des droits fonciers ou une effusion de sang ! » et, surtout, un panneau écrit à la main portant les mots « Ambassade aborigène ».
Aboriginal Tent Embassy - 50 year Anniversary. Set up in 1972 on Ngunnawal land Canberra, Old Parliment House. Noted as world's longest protest for Indigenous land rights.
— Barbara McGrady (@BarbsMac2144) January 25, 2022
"We are aliens in our own land". Prof Gary Foley pic.twitter.com/m9jav9B7hz
Ils ne le savaient pas à l’époque, mais leur acte de protestation était sur le point de résonner dans le monde entier pendant des décennies, mettant en lumière les problèmes auxquels sont confrontés les peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres et lançant des discussions mondiales sur l’héritage de la colonisation et de la dépossession, les droits fonciers, la souveraineté et la génération volée.
Aujourd’hui, 50 ans plus tard, l’Ambassade aborigène se trouve toujours à cet endroit et reste un lieu de protestation, ce qui en fait l’une des plus longues manifestations au monde.
6. Le ministre des Tuvalu s’adresse à la COP26 avec de l’eau jusqu’à la taille
Vous n’avez peut-être jamais entendu parler des Tuvalu. Les ministres participant à la conférence des Nations unies sur le climat COP26 n'y prêtaient probablement pas beaucoup d'attention non plus. Jusqu'à ce que... le ministre des Affaires étrangères du pays, Simon Kofe, prononce son discours pour la COP26, en novembre de l’année dernière, en se tenant debout jusqu'à la taille dans la mer.. Son objectif était de souligner que sa nation insulaire est en première ligne de la montée des eaux, et de protester contre l’injustice du réchauffement climatique, qui touche d’abord ceux qui y contribuent le moins.
7. Les indigènes d’Afrique du Sud campent au pied d’une statue de Nelson Mandela
Au pied de l’une des statues les plus célèbres d’Afrique du Sud, celle de Nelson Mandela, les Khoïsans, un peuple indigène du pays, protestent depuis trois ans, notamment pour être reconnus constitutionnellement comme la première nation d’Afrique du Sud.
8. Une militante confronte le PDG de Shell sur la scène de TED
Ce devait être une simple discussion « civile » au Countdown Summit TED en 2021 entre le fondateur d’un fonds militant, un activiste écossais pour le climat et le PDG de Royal Dutch Shell, la plus grande société pétrolière et gazière basée en Europe. Mais quand on sait que Shell est responsable de dommages environnementaux incommensurables, de violations des droits humains et de marées noires qui continuent de faire des ravages, la dimension « civile » du débat se présentait déjà un défi.
Au cours de la discussion, la jeune militante Lauren MacDonald a confronté le PDG de Shell, Ben van Beurden, en lui lançant « Vous devriez avoir honte ». Lauren MacDonald a ensuite détaillé la longue histoire de pollution de la société Shell et sa contribution à la crise climatique, notant par ailleurs sa complicité présumée dans le meurtre de militants nigérians dans les années 1990.
Selon la militante, Shell est « responsable de tant de morts et de souffrances ». Elle a ensuite demandé directement à Ben van Beurden : « Si vous restez assis ici et agissez comme si vous vous souciez de l’action climatique, pourquoi faites-vous appel de la récente décision de justice selon laquelle Shell doit réduire ses émissions de 45 % d’ici 2030 ? » Celui-ci a refusé de répondre, en signe de protestation, et la militante a quitté la scène.
9. Des manifestants jettent des couches sales sur un siège politique au Mexique
Équipés de lance-pierres, une vingtaine de manifestants mexicains ont lancé 1 000 couches sales sur les bureaux du parti au pouvoir du président Enrique Peña Nieto, le Partido Revolutionario Institucional (PRI), en 2017. Appelée pañalazo, cette protestation originale avait pour but de « rendre au PRI toute la merde qu’il a apportée au gouvernement et au pays avec sa corruption et son impunité. »
Tras el #Pañalazo contra la sede del PRI, organizado por @arnemx, policías de la Ciudad de México arribaron al lugar https://t.co/EaUYr21AFMpic.twitter.com/rwTVnHB90L
— El Universal (@El_Universal_Mx) February 2, 2017
10. Des manifestants lavent le drapeau national au Pérou pour mettre fin à la corruption
Environ 200 Péruviens ont symboliquement lavé des drapeaux péruviens rouge et blanc devant le palais présidentiel pour protester contre la « politique sale » de la campagne de réélection du président Alberto Fujimori en 2000 (par la suite, celui-ci a été emprisonné pour avoir abusé de son pouvoir et utilisé des méthodes violentes pour réprimer ses opposants). Le nettoyage du drapeau s’est poursuivi pendant plusieurs mois, mais ce n’est que lorsqu’une vidéo montrant un allié d’Alberto Fujimori soudoyer un législateur a fait surface que le président a été contraint de fuir le Pérou.
11. Des hommes indiens portent des jupes pour protester contre un viol collectif
Lorsqu’une étudiante de 23 ans a été victime d’un viol collectif dans un bus à New Delhi en 2013, les autorités indiennes ont suggéré d’interdire les jupes pour empêcher d’autres viols. Afin de protester contre cette solution qui rejette la faute sur les victimes, 25 hommes indiens sont descendus dans la rue vêtus de jupes, pour souligner que peu importe la tenue, les agressions sexuelles ne sont jamais de la faute de la victime.
12. Une étudiante de l’Université de Columbia porte un matelas pour protester contre les agressions sexuelles sur le campus
En 2015, Emma Sulkowicz, une étudiante de l’Université de Columbia, a porté sur son dos le matelas de sa chambre pour protester contre le fait que son établissement n’avait pas renvoyé son violeur présumé.
Emma Sulkowicz et son matelas sont devenus un symbole fort du mouvement de réforme des procédures d’agression sexuelle sur les campus lorsque la jeune femme a décidé de le traîner sur le campus pour sa thèse, intitulée « Mattress Performance (Carry That Weight) ». Elle l’a même apporté à sa remise de diplôme.
Vous pouvez vous joindre à nous pour protester pacifiquement contre la guerre en Ukraine, soit en participant à des manifestations près de chez vous, soit en rejoignant la manifestation en ligne. Pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez vous impliquer et passer à l’action, cliquez ici.