En Suisse, comme en Belgique ou en France, les femmes sont souvent invisibilisées de l’espace public.
Leurs noms ne figurent que dans 41 rues genevoises nommées après des personnes, à l’heure où ceux de leurs homologues masculins arborent 548 des rues du canton. En d’autres termes, les hommes dominent nominalement les rues genevoises à 93 %.
Heureusement, Genève est déterminée à changer la donne pour redonner aux femmes leur légitimité et remédier à cette flagrante inégalité de représentation.
Dans un communiqué daté du 26 août, la ville helvétique a en effet annoncé que 10 de ses rues, places, parcs et chemins seraient renommés en l’honneur de femmes exceptionnelles.
C’est d’abord au terme d’un long travail recherche historiographique entrepris par l’organisation militante féministe l’Escouade, en collaboration avec des historiennes de l’Université de Genève, que le projet 100Elles* a identifié une centaine de femmes genevoises marquantes au travers d’une approche intersectionnelle soulignant la diversité de leurs profils.
L’ensemble de ces femmes a alors été honoré au moyen de plaques violettes temporaires apposées dans plusieurs rues de ville, tandis que des visites guidées ont quant à elles permis de sensibiliser les habitants au projet.
Propulsée par le succès de cette première initiative et encouragée par une motion votée par le Grand Conseil en 2019, la ville de Genève s’est ensuite engagée à aller plus loin en renommant définitivement certaines de ces rues, tout en préservant l’approche adoptée par l’organisation 100Elles*.
« Depuis un certain nombre d’années, Genève articule les thématiques de lutte contre les discriminations avec le développement durable », a expliqué à Global Citizen Héloïse Roman, chargée de projets égalité à la ville de Genève.
Mme Roman, qui travaille à la mise en œuvre d'une politique de promotion de l'égalité entre femmes et hommes, a précisé que ce projet de féminisation faisait partie de plusieurs axes de travail développés par la ville de Genève. Parmi eux, on peut notamment relever un plan d'action intitulé "Objectif zéro sexisme dans ma ville".
« Dans son projet 100Elles*, l'association L'Escouade a voulu mettre en avant des femmes avec des parcours divers, des origines, des métiers et des milieux différents. En choisissant 16 femmes parmi les 100Elles* pour faire une série de propositions, la ville de Genève a aussi voulu refléter cette diversité », a-t-elle affirmé.
Récemment, la plupart de ces propositions ont été retenues par la Commission cantonale de nomenclature (CCN), l’organisme cantonal chargé de statuer sur ces questions.
La Ville de Genève féminise 10 noms de rues, parcs, places, avenues et chemins. https://t.co/NBQltnIOL3#Geneve (photo d'illustration) pic.twitter.com/JapP68inWj
— Ville de Genève (@VilleDeGeneve) August 27, 2020
Parmi les profils retenus, on retrouve notamment des scientifiques, ingénieures ou ouvrières, mais aussi des militantes ayant lutté pour le droit de vote, telles que Camille Vidart ou Lise Girardin. Comme le souligne Mme Roman, ce choix n’est pas anodin puisque Genève célèbre cette année le 60e anniversaire du suffrage féminin.
D’ici la fin de l’année, c’est donc une dizaine de lieux emblématiques genevois qui verront leur nom changer au profit de ces femmes qui ont marqué leur temps. Pour refléter cette évolution et par souci de clarté, les plaques sur lesquelles figureront les nouveaux noms seront apposées au-dessus des anciennes.
« La démarche initiée par la ville de Genève est non seulement un acte de reconnaissance, mais aussi un rétablissement de l'histoire qui a privilégié les hommes au détriment de ces femmes qui ont objectivement des parcours remarquables », a affirmé Antonio Hodgers, président du Conseil d'État, au sujet de l’initiative.
Si Mme Roman estime que la réception du projet a dans l’ensemble été plutôt positive, la ville de Genève espère que d’autres villes du canton suivront la voie pour que les générations suivantes puissent, elles aussi, s’en inspirer.
Au cours des trois prochaines années, des rues supplémentaires devraient d’ailleurs changer de nom, conformément à l'objectif fixé par la motion du Grand Conseil qui préconisait la féminisation de 100 lieux publics à travers le canton.