La dernière fois que de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS) ont été délivrés, c'était pendant la crise financière de 2008-2009. Cette décision a permis de débloquer des centaines de milliards de dollars pour aider les pays du monde entier en cas de besoin.
Aujourd'hui, plus de dix ans plus tard, les dirigeants mondiaux discutent à nouveau de cette source de financement, cette fois-ci dans l'espoir d'aider les pays à se remettre de la récession économique mondiale provoquée par la pandémie de COVID-19.
Ci-dessous, nous expliquons en détail ce que sont les DTS et comment ils peuvent stimuler l'économie mondiale. Nous examinons également les modalités de soutien nécessaires pour tirer parti de ce financement crucial, qui pourrait être utilisé pour l'achat de matériel médical, de vaccins et de nourriture, ainsi que pour alléger davantage la dette des pays à faible revenu et éviter qu'ils ne sombrent encore plus dans la pauvreté.
Que sont les DTS et comment peuvent-ils faciliter la relance liée à la COVID-19 ?
Créés par le Fonds monétaire international (FMI) en 1969, les DTS sont des actifs de réserve qui peuvent être échangés entre les pays en contrepartie de liquidités ou d'espèces.
Chaque fois que le FMI décide d'allouer de nouveaux DTS, l'organisation agit fondamentalement comme une banque centrale internationale. Le FMI distribue ces avoirs de réserve à ses 190 pays membres au prorata de leur contribution à l'organisation et de leur position économique relative à l'échelle mondiale. Ainsi, les pays riches reçoivent plus de DTS, tandis que les pays pauvres en reçoivent moins.
Les pays peuvent alors acheter ou vendre des DTS en fonction de leurs besoins. Par exemple, un pays qui souffre économiquement et qui a besoin de plus de liquidités pour effectuer ses paiements peut vendre une partie de ses DTS en échange d'espèces, en particulier de dollars américains ou d'euros. Les DTS peuvent également être utilisés pour rembourser la dette d'un pays, par exemple envers le FMI, ou peuvent être détenus en garantie.
Depuis la création des DTS après la Seconde Guerre mondiale, le FMI a alloué 204,2 milliards de DTS (soit environ 290 milliards de dollars) à ses pays membres, dont 182,6 milliards de DTS en 2009, à la suite de la crise financière mondiale. L'allocation accordée en 2009 est la plus récente et la plus importante qui soit.
Une urgence renouvelée en la matière
Au cours de l'année écoulée, plusieurs dirigeants mondiaux, organisations humanitaires et experts ont exprimé leur soutien à l'émission d'une nouvelle allocation de DTS dans le cadre des efforts déployés pour aider la communauté internationale à se remettre de la pandémie. Une telle mesure permettrait de fournir des réserves supplémentaires à chaque pays membre du FMI à un moment où les besoins de financement restent importants, en particulier pour les pays à faible revenu durement touchés par le virus.
Cette source de financement supplémentaire donnerait aux pays à faible revenu plus de souplesse et de pouvoir pour répondre aux besoins immédiats et à long terme découlant de la crise liée à la COVID-19, qu'il s'agisse d'acheter des vaccins ou de redynamiser la main-d'œuvre et l'économie.
À l'heure où les disparités économiques se creusent et où les Objectifs mondiaux des Nations Unies sont de plus en plus hors de portée, il est essentiel de veiller à ce que les gouvernements disposent des ressources nécessaires pour soutenir leurs populations les plus vulnérables.
Il sera beaucoup plus compliqué de relancer la croissance mondiale, de mettre fin à l'extrême pauvreté et de se remettre sur la voie de la réalisation des Objectifs mondiaux au cours de la prochaine décennie si ces populations vulnérables ne sont pas prises en compte et soutenues dès maintenant.
Ce mois-ci, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel, le président du Conseil européen Charles Michel, le président du Sénégal Macky Sall, le secrétaire général des Nations Unies António Guterres et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont publié un article d'opinion préconisant l'utilisation des DTS pour réduire le fardeau de la dette et soutenir une relance durable dans les pays en développement.
« Nous devons faire en sorte que la reprise mondiale bénéficie à tous, ont-ils écrit. A cet égard, nous devons accroître notre soutien aux pays en développement, en particulier en Afrique, en nous appuyant sur des partenariats existants comme le Pacte avec l’Afrique du G20… »
L'Italie, qui préside cette année le G20, le groupe des 20 plus grandes économies avancées et émergentes du monde, exhortera ses membres à émettre 500 milliards de DTS lors de leur réunion à Rome, selon Reuters. Gelsomina Vigliotti, directrice générale du Trésor italien pour les relations financières internationales, a qualifié de « priorité absolue »la mise à disposition de ces avoirs de réserve supplémentaires.
« Nous devons accorder une marge de manœuvre budgétaire aux pays à faible revenu qui connaissent les plus grandes difficultés, a-t-elle déclaré. L'objectif est d'assurer qu'une nouvelle allocation de DTS soit mise à la disposition des pays qui en ont le plus besoin. »
Sous l'administration de l'ancien président américain Donald Trump, les États-Unis avaient refusé l'idée d'une nouvelle allocation de DTS, affirmant qu'elle fournirait plus de ressources aux pays les plus riches puisque les allocations sont basées sur la participation des pays au FMI.
Toutefois, Mme Vigliotti et la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, ont souligné que les économies avancées qui n'ont pas besoin de leurs DTS peuvent faire don de leur allocation pour aider les pays en développement.
Dans le contexte de la crise financière de 2009, le FMI a émis une nouvelle allocation de DTS pour des raisons similaires, à savoir pour aider l'économie internationale à se redresser. Bien qu'un plus petit nombre de DTS ait été attribué aux membres à faible revenu du FMI en raison du système d'allocation, dans la plupart des cas, le processus a abouti à une augmentation proportionnellement plus importante des réserves pour les pays les plus pauvres que pour les économies avancées.
« L’allocation générale de DTS est un élément clé de notre riposte à la crise mondiale, témoignant d’une approche fondée sur la coopération multilatérale» a affirmé Caroline Atkinson, Directrice du Département des relations extérieures du FMI, en 2009. Les pays à faible revenu membres en bénéficieront considérablement. »
Les États-Unis disposent d'un droit de vote prépondérant au FMI sur les décisions relatives aux DTS, ce qui signifie que s'ils se joignent à d'autres pays pour soutenir une nouvelle allocation, ce soutien financier pourrait une fois de plus aider le monde à se remettre sur pied.
Avec la nouvelle administration américaine dirigée par le président Joe Biden, l'espoir de voir une allocation de DTS se concrétiser en réponse à la crise de la COVID-19 est renouvelé.
Selon Reuters, l'administration Biden a déjà manifesté son soutien à une nouvelle allocation de DTS, mais les spécialistes et les organisations de la société civile continuent de réclamer une action urgente. La secrétaire d'État américaine au Trésor, Janet Yellen, devrait prendre une décision d'ici le 26 février, date à laquelle les membres du G20 se réuniront pour discuter de cette question.