En raison des inégalités persistantes dans le domaine de la santé à travers le monde, les personnes vivant dans la pauvreté sont toujours les plus durement touchées par les épidémies, telles que la crise liée à la COVID-19.
L'impact inégal de la COVID-19 se fait sentir dans le monde entier. Il se manifeste notamment par des disparités entre les pays riches et les pays pauvres, ainsi qu'entre les communautés riches et les communautés pauvres à l'intérieur même des pays.
Cela dit, nous le savions déjà avant la pandémie : lorsque la santé mondiale est en danger, ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui en souffrent le plus, mais qui sont les derniers à être soignés.
Prenons, par exemple, l'épidémie de VIH/sida dans les années 1980. Le développement des traitements — comme la combinaison de trois médicaments antirétroviraux différents pris ensemble, qui a été approuvée et avancée en 1996 — n'a pas tout de suite permis de constater une amélioration globale et juste de l’état des personnes atteintes de la maladie.
Les taux de mortalité et d'hospitalisation ont chuté de façon spectaculaire dans les pays et les communautés où ces traitements sont devenus disponibles : en 1997, le taux de mortalité lié au VIH/SIDA a chuté de 50 % aux États-Unis, par exemple ; et depuis 23 ans, le VIH/SIDA a complètement disparu de la liste des 15 principales causes de décès aux États-Unis.
Pourtant, il est resté la première cause de décès en Afrique jusqu'en 2017 et demeure aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique. En 2018, on estimait que 68 % des personnes vivant avec le VIH résidaient en Afrique subsaharienne.
C'est une leçon d'inégalité sanitaire extrême que le monde ne peut pas se permettre de répéter dans la course aux tests, aux traitements et aux vaccins anti-COVID-19.
Nous nous sommes entretenus avec des experts en inégalités sanitaires pour en savoir plus sur les inégalités sanitaires à l'échelle mondiale, sur la manière dont elles apparaissent et affectent la vie des gens, ainsi que sur les mesures que nous pouvons prendre dès maintenant pour aider à résoudre ce problème.
« Pour faire simple, les inégalités en matière de santé se traduisent par des résultats différents selon les personnes, et certains secteurs de la société obtiennent de moins bons résultats, généralement parce qu'ils n'ont pas le même accès aux services de santé, ou parce que ces services ne sont pas adaptés à leurs besoins », a déclaré Louise McGrath, directrice des programmes de la Tropical Health and Education Trust (THET), une ONG britannique de premier plan dans le domaine de la santé, à Global Citizen.
« Cela peut également être le résultat de circonstances sociales sous-jacentes, comme le fait d'être sujet à une santé fragile en raison d'une alimentation déséquilibrée, de ne pas avoir les moyens de se rendre dans un établissement de santé ou de ne pas avoir les moyens de payer les frais de soins de santé », a-t-elle ajouté.
Le travail de McGrath à THET consiste à mettre en place des partenariats entre les hôpitaux et d'autres institutions du Royaume-Uni avec des organisations sanitaires dans les pays à faibles et moyens revenus. Les objectifs de ces collaborations consistent notamment à identifier les aspects des systèmes de santé mondiaux qui doivent être améliorés et à permettre aux pays d'apprendre ensemble de leurs systèmes de santé respectifs.
Dans les pays à faibles et moyens revenus, les gens doivent souvent payer de leur poche leurs soins de santé, même dans les hôpitaux publics, a expliqué McGrath. L'offre de soins peut également être inégale d'un pays à l'autre : il peut être plus facile d'accéder à un hôpital de qualité dans une ville, par exemple, que dans une zone rurale. Par ailleurs, les informations sur les soins de santé disponibles font parfois défaut, ce qui signifie que les gens ne cherchent souvent pas à se faire soigner, même lorsqu'ils le pourraient, a-t-elle dit.
Malgré la diffusion de messages de santé publique, les communautés les plus pauvres sont toujours confrontées à des défis supplémentaires lorsqu'il s'agit de suivre des recommandations sanitaires.
Pendant la crise COVID-19, par exemple, les personnes vivant dans la pauvreté ont eu plus de mal à prendre des mesures préventives pour éviter de contracter la maladie. Il est impossible de rester à la maison pour réduire au minimum les contacts avec les autres si le fait d'aller travailler tous les jours est essentiel à la survie. De même, se laver fréquemment les mains n'est pas une option si l'on ne peut accéder à une eau propre.
La COVID-19 représente également une grave menace pour les personnes vivant dans des zones de conflit ou dans des camps de réfugiés surpeuplés. Ces personnes sont parmi les plus marginalisées au monde, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR).
Plus de 80 % des réfugiés dans le monde — ainsi que la quasi-totalité des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays — sont accueillis dans des pays à faible et moyen revenu, a indiqué le HCR. L'accès limité à l'eau, aux systèmes d'assainissement et aux services de santé accroît leur vulnérabilité au virus.
Kathryn Bolles, directrice associée pour la santé et la nutrition à Save the Children, a déclaré à Global Citizen que les enfants qui grandissent dans une pauvreté extrême sont confrontés à d'énormes obstacles à leur survie, notamment relatifs à des problèmes de santé et à des maladies évitables.
« Nous savons que les enfants les plus marginalisés — souvent dans les zones de conflit, de pénurie et dans les régions les plus pauvres d'une communauté ou d'un pays — sont ceux qui meurent de manière disproportionnée de maladies qui sont entièrement évitables », a-t-elle déclaré.
Save the Children s'efforce de fournir des soins de santé et des programmes de vaccination qui protègent les enfants contre ces maladies évitables.
Mme Bolles souligne les énormes progrès réalisés en matière de réduction des décès dus au paludisme, à la diarrhée et aux maladies des nouveau-nés au cours des 20 dernières années. La diarrhée, par exemple, est la deuxième cause de décès chez les enfants de moins de cinq ans dans le monde, mais le nombre annuel total de décès a diminué de 60 % entre 2000 et 2017.
« Nous nous concentrons sur ces enfants parce qu'ils n'ont pas encore les bases dont ils ont besoin pour survivre et s'épanouir », explique Mme Bolles. « Nous savons aussi que ce sont souvent les filles qui sont plus marginalisées que les garçons... si une fille n'a pas accès aux soins de santé, à la nutrition et à l'éducation, elle a plus de chances de grandir et d'avoir un enfant qui souffrira lui aussi d'une santé fragile. »
Si le travail accompli a permis de faire des progrès considérables en ce qui concerne le taux de mortalité infantile des enfants de moins de 5 ans — celui-ci a diminué de près de 50 % entre 1990 et 2013 — il reste encore beaucoup à faire, et Bolles estime que la COVID-19 pourrait compromettre les progrès réalisés.
« Quel sera l'impact de la COVID-19 sur un système de soins de santé déjà en difficulté ? » s’est-elle interrogé. « L'Italie a 40 médecins pour 10 000 personnes, alors que le Sénégal n'a qu'un seul médecin pour 10 000 personnes... Le Bangladesh a une population de 160 millions d'habitants, mais seulement 2 000 respirateurs. »
Cependant, vivre dans un pays riche ne signifie pas forcément être protégé de la pandémie non plus.
Les travailleurs à faible revenu sont plus susceptibles que leurs homologues à revenu élevé d'être touchés par le coronavirus. En effet, en raison de facteurs liés à la santé et au mode de vie, ils sont plus susceptibles de travailler dans le secteur public, notamment dans les transports, l'aide sociale et la vente au détail ; ils sont donc plus à risque.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, des études ont montré que les membres des communautés noires, asiatiques et minoritaires ont été touchés de manière disproportionnée par le coronavirus, au point de risquer d'y laisser leur vie.
Même avant cette pandémie, les hommes des quartiers les plus pauvres des États-Unis pouvaient s'attendre à mourir 15 ans plus tôt que les hommes des zones les plus riches, en raison des inégalités observées en matière de santé. Pour les femmes, l'écart serait de 10 ans aux États-Unis.
Que pouvons-nous faire dès aujourd'hui pour aider à résoudre les inégalités en matière de santé ?
Bolles a déclaré que le travail déjà accompli pour renforcer les systèmes de santé mondiaux — qu'il s'agisse des établissements de santé disponibles ou de la mobilisation des communautés pour faire circuler des informations sanitaires fiables — a eu un impact positif et doit se poursuivre.
Toutefois, le temps presse : les projections des pays concernant les décès directs et indirects dus à la COVID-19 doivent être examinées, a-t-elle déclaré. De même, les fonds doivent être investis immédiatement dans le renforcement des systèmes qui auront du mal à faire face à cette pression.
« Nous pouvons protéger les systèmes maintenant autant que nous le pouvons en investissant dans ceux-ci, et en plaidant auprès de nos communautés professionnelles et de nos gouvernements pour qu'ils le fassent maintenant, avant que les choses ne se gâtent », a déclaré Mme Bolles.
« Nous ne pouvons pas non plus voir la prestation de soins de santé de base s'arrêter pendant cette crise. Même si nous sommes confrontés à la COVID-19, nous devons poursuivre les vaccinations de routine, car nous ne pouvons pas risquer une épidémie de rougeole en même temps », a-t-elle poursuivi. « Nous devons également continuer à fournir des moustiquaires [pour réduire le risque de paludisme]. »
Outre la question urgente de la COVID-19, Mme Bolles affirme que chaque échelon de soins au sein d'un vaste système de santé comporte des éléments qui peuvent être renforcés afin de faire face à de futures épidémies, « que ce soit au niveau de l'engagement communautaire ou des établissements de santé. »
Quant à McGrath, elle a souligné les problèmes relatifs à l'offre et à la demande des outils nécessaires pour lutter contre la la COVID-19. Par exemple, le manque d'équipement de protection individuelle (EPI) pour les travailleurs de santé et de première ligne a été constaté dans le monde entier, et ce, tout au long de la pandémie de COVID-19.
Comme nous l'avons vu dans le cadre des efforts déployés pour lutter contre l'épidémie mondiale de VIH/SIDA, il existe un réel danger que les outils nécessaires à la lutte contre la COVID-19, à mesure qu'ils seront disponibles, n'atteignent pas les personnes marginalisées à travers le monde. Là encore, nous risquons de constater que l'épidémie est résolue pour les plus riches, tandis que les personnes vivant dans la pauvreté et les communautés marginalisées seront laissées pour compte.
McGrath a également mentionné l'importance des relations de confiance et des partenariats entre les pays pour renforcer les systèmes de santé mondiaux.
Elle a cité un exemple survenu au début de l'épidémie de COVID-19, lorsque l'université King's College de Londres, en partenariat avec des organismes de santé du Somaliland, a pu, grâce à une coopération professionnelle préexistante, rapidement donner des consignes aux responsables de santé sur la manière de gérer la situation.
« Pour atteindre tout le monde avec les bons soins de santé, il faut s'assurer que le système de santé dans son ensemble fonctionne », a déclaré McGrath. « S'il y a un personnel de santé mais qu'il n'y a pas les équipements nécessaires pour fournir les services, ou que ces services ne sont pas bien gérés, le système s'effondrera. »
Le principal, aujourd'hui et à l'avenir, est de s'assurer que tous les éléments de base concordent les uns avec les autres, a déclaré Mme McGrath.
Vous pouvez vous joindre au mouvement pour contribuer à ce que chacun, partout, ait accès aux outils nécessaires pour mettre fin à la pandémie de COVID-19, en passant à l'action dans le cadre de notre campagne « Global Goal: Unite for Our Future ». À travers cette initiative, vous pouvez inciter les dirigeants du monde entier à augmenter le financement pour assurer le développement de tests, de traitements et de vaccins anti-COVID-19. Ainsi, vous pourrez faire en sorte que ces outils soient accessibles à tous, partout dans le monde, dans des conditions égales.